L'histoire de la gourgane québécoise
Mais où sont passées les variétés de nos grands-mères?

Ce printemps, j'ai reçu une enveloppe par la poste. Une enveloppe matelassée, que j'ai ouverte très rapidement parce que je me doutais bien qu'elle contenait des semences. J'ai toujours aimé les surprises. Il en est sorti quelques fèves cabossées, aux abords un peu gonflés, et qui n'étaient pas tout à fait rondes. La « petite gourgane du lac » est une variété québécoise encore offerte par quelques semencières locales.  Comme nous avons maintenant une parcelle cultivable près de Charlevoix, en climat plus frais, je me suis dit: pourquoi pas? 

Mais d'où vient-elle…

Aussi appelée Fève des marais ou Fagioli, la gourgane serait cultivée depuis près de 9 000 ans. On la dit originaire du Proche-Orient et, selon certains experts, la plante souche serait probablement éteinte. Des textes chinois datant de 5 000 ans y font référence, et nous savons que les Gaulois l’utilisaient mille ans avant notre ère. Par contre, il appert qu’elle était alors plutôt consommée sous forme de farine.

Comment est-elle arrivée au Québec?

Au 18e siècle, période de grands changements et de découvertes importantes, les Grands explorateurs espagnols reviennent des Amériques avec à leur bord des fèves à écosser, des haricots et des pommes de terre. La consommation de gourgane en Europe, d'où elle est originaire, se met alors à décliner, au profit de ces nouvelles cultures. Par contre, en Nouvelle-France, la gourgane est introduite dès le début de la colonisation. Nutritive et peu exigeante, elle faisait à l’époque partie du menu courant des habitants qui laissaient mijoter un délicieux potage de fèves toute la journée sur le feu alors qu’ils étaient aux champs. Depuis, la soupe aux gourganes est un mets régional typique de Charlevoix et au Lac-Saint-Jean (Québec).   

Pourtant, bien qu'elle ait été négligée, elle n'est pas disparue pour autant et on l’utilise encore de nos jours dans la cuisine moyen-orientale, dans celle du nord de l’Afrique ainsi que dans la cuisine européenne paysanne.

Bien qu’elle soit maintenant plutôt boudée ailleurs au Québec, elle se maintient à ce jour au Saguenay, au Lac-Saint-Jean et dans la belle région de Charlevoix. On y cultive principalement comme variété la Baie St-Paul, la Minica et la Primo. Un festival de la gourgane a d’ailleurs lieu chaque année depuis 1974, en juillet, dans la municipalité d’Albanel.

Information nutritionnelle et conservation

La gourgane fait partie de la famille des légumineuses. Elle est une excellente source de fibres et de protéines et possède une teneur très élevée en vitamines C et en folacine. Elle fournit également du fer, du phosphore, du potassium et du magnésium.

Nourrissante, elle possède un goût assez typique. On consomme la fève fraiche (qui se conserve jusqu’à 2 jours au réfrigérateur) ou cuite. On peut également la sécher dans sa gousse puis conserver seulement les graines, ou la congeler pour la cuisiner plus tard.

Comment la prépare-t-on?

Il est préférable de blanchir les fèves fraiches quelques minutes avant de les plonger dans l’eau glacée, afin d’en retirer plus facilement le tégument (qui est amer) et d’en réduire le temps de cuisson. La fève fraiche se cuit ensuite environ une quinzaine de minutes dans l’eau salée. Il faut compter environ 2 heures pour la cuisson d’une fève séchée.

En dehors de sa culture potagère, de son exportation sous forme congelée ou en conserve et de son utilisation pour nourrir le bétail, la gourgane fait actuellement l’objet de développements de valeur pour des produits tels que la farine ou les collations à grignoter.

« Abondantes et farineuses, elles ont longtemps servi de nourriture à l'homme et à l'animal, en particulier aux oiseaux de basse-cour. » 

Les variétés à grosses graines datant du Moyen-âge sont issues de la sélection de petites graines en provenance du nord de l’Afrique. Ces grosses semences sont surtout destinées à la culture potagère.

Parmi elles, la variété ‘Broad Windsor’ (Stokes, Prairie Garden Seeds, West Coast Seeds) fait son apparition dès 1700 et demeure la plus populaire car ses plants robustes de 120 cm résistent bien au froid caractéristique de notre climat. On reconnait cette variété à ses gousses de 12 à 15 cm qui renferment de grosses graines vertes.

Il est à noter que la variété ‘Green Windsor’ (Prairie Garden Seeds, Thompson & Morgan) demeure verte même après avoir été cuite ou congelée, contrairement à la majorité des variétés, qui brunissent en séchant.

La variété espagnole ‘Aquadulce’ (Stokes) produit quant à elle des plants plus petits (60 cm environ) portant cependant des gousses plus longues, pouvant aller jusqu’à 25 cm de longueur.

Pour leur part, les variétés à petites graines sont originaires de l’Afghanistan et sont désormais connues sous le vocable de féveroles lorsqu’elles sont cultivées pour produire des engrais verts ou des produits alimentaires pour le bétail.

Et les variétés québécoises?

Où sont passées les gourganes typiquement québécoises? Malgré mes recherches dans les bases de données de semences canadiennes et dans les catalogues anciens et nouveau, il n'y a plus de variété offertes provenant de notre patrimoine. OÙ EST PASSÉE LA GOURGANE DE CHARLEVOIX? Outre la variété "Petite du Lac", il m'a été impossible de mettre la main sur des gourganes à pollinisation libre qui auraient été cultivées au Québec.  

Pour terminer, je vous laisse avec la fameuse recette de la soupe à la Gourgane du Lac-Saint-Jean. Si vous connaissez des personnes qui cultivent encore la gourgane de Charlevoix ou du Lac-Saint-Jean, ou si vous en avez encore en votre possession, contactez-nous à info@semences.ca . Nous pourrons vous aider à sauvegarder et partager vos gourganes pour éviter ainsi qu'elles tombent dans l'oubli. Et merci à Olivier, des Semences du Batteux, pour m'avoir envoyé ces quelques fèves.

Recette de soupe à la gourgane du Lac-Saint-Jean

  • 2,5 litres [10 tasses] d'eau
  • 2,5 mL [1/2 c. à thé] de gros sel
  • 1 mL [1/4 de c. à thé] de sarriette
  • 2,5 mL [1/2 c. à thé] d'herbes salées à soupe
  • 60 mL [1/4 de tasse] d'orge
  • 1 oignon moyen, émincé
  • 113 à 227 g [1/4 à 1/2 livre] de lard salé gras, coupé en gros morceaux
  • 680 à 900 g [1 1/2 à 2 livres] de gourganes fraîches ou congelées
  • Poivre, au goût
  1. Mettre tous les ingrédients dans une grande casserole et amener à ébullition.

  2. Baisser le feu, couvrir et laisser mijoter jusqu'à ce que les gourganes soient tendres, environ 2 à 3 heures
  3. Servez aussitôt.

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Références et liens intéressants

Site web, Festival de la gourgane : http://www.festivaldelagourgane.com/

Encyclobec – Article sur le thème Société et Institution – Le pays de la gourgane : http://encyclobec.ca/region_projet.php?projetid=248

Recette : Tartinade de gourgane et de noix de pin : http://www.metro.ca/recettes/tartinade-de-gourganes-aux-noix-de-pin-et-parmesan-frais.fr.html

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